Une enquête internationale menée par Ipsos révèle que 78% des personnes interrogées pensent que la santé mentale est aussi importante que la santé physique.
Si la santé mentale est la Grande cause nationale pour l’année 2025, elle est une vraie préoccupation pour la corporation pompier. Il semble donc absolument nécessaire de déconstruire le mythe du pompier “héros indestructible” pour considérer avant tout l’humain derrière l’uniforme.
Souvent exposé de manière répétée à des situations difficiles, parfois traumatisantes, un pompier peut avoir besoin d’aide pour éviter l’apparition de séquelles durables.
C’est un métier indispensable, dont il faut prendre soin et il est ainsi nécessaire de préserver la santé mentale des pompiers pour assurer leur opérationnalité comme leur bien-être.
Dans cet article, nous aborderons les solutions possibles pour prévenir les risques liés à la santé mentale des pompiers, car oui, il est possible d’agir !
Navigation rapide :
I – Identifier les risques et les facteurs aggravants pour la santé mentale des pompiers
II – Préserver la santé mentale des pompiers : Mettre en place des stratégies de prévention et d’accompagnement
III – Les techniques et conseils concrets pour préserver la santé mentale des pompiers en situation à risques
I – Identifier les risques et les facteurs aggravants pour la santé mentale des pompiers
Santé mentale des pompiers : symptômes et dangers inhérents au métier
Les pompiers, de manière intrinsèque à leurs fonctions, sont amenés à intervenir au cœur de situations risquées et particulièrement stressantes :
- sauvetage de victimes lors d’incendies,
- interventions sur des accidents de la route,
- secours en milieu périlleux (noyades, effondrements, explosions),
- gestion de catastrophes naturelles comme les inondations et les tempêtes,
- (…)
En effet, toutes les professions impliquent ce qu’on appelle des “risques psychosociaux“.
Ce sont des facteurs liés à l’organisation du travail, aux relations professionnelles, ou aux conditions de travail, qui peuvent nuire à la santé mentale, physique et sociale des employés.
Ces facteurs sont particulièrement décuplés dans le métier de pompier et peuvent avoir des conséquences directes sur leur santé mentale :
- 16 % des primo-intervenants ayant participé aux secours lors des attentats de 2015 ont déclaré souffrir d’un trouble anxieux dans les six à dix mois qui ont suivi.
- 33,8 % des pompiers pourraient être touchés par au moins l’un des trois types de blessures liées au stress opérationnel (informations révélées par des étudiantes chercheurs durant 35ᵉ congrès de l’International Society for Traumatic Stress Studies de Boston). On parle ici des troubles associés à un traumatisme ou au stress, à savoir le trouble de stress post-traumatique (le plus fréquent), l’état de stress aigu et les troubles de l’adaptation.
Bon à savoir : Le trouble de stress post-traumatique est un trouble anxieux sévère qui se développe après l’exposition à un événement traumatisant. Il est généralement caractérisé par des symptômes persistants tels que des souvenirs intrusifs, l’évitement des rappels du traumatisme, et un sentiment de menace constante, perturbant significativement la vie quotidienne de la personne affectée. |
D’autres symptômes peuvent également faire leur apparition et avoir des conséquences désastreuses sur la santé mentale des pompiers : fatigue, burn-out, anxiété, dépression, abus d’alcool, pensées suicidaires…
Remarque : Les pompiers peuvent aussi souffrir de troubles plus spécifiques à leurs métiers, mais aussi moins connus, comme le syndrome post-garde par exemple.Le syndrome post-garde de nuit se caractérise par des troubles associant des troubles somatiques, des troubles de l’humeur, des troubles psychiques et des troubles comportementaux. Ce syndrome varie notamment suivant le travail de nuit effectué. |
Les facteurs aggravants pour la santé mentale des pompiers
Vous l’aurez compris, de nombreux risques peuvent compromettre la santé mentale des pompiers, et ces risques sont malheureusement souvent aggravés par les 3 facteurs suivants :
- les barrières au soutien social,
- le niveau d’exposition perçu,
- le manque de ressources psychologiques pour dépister et soutenir.
On se heurte aussi à un autre problème : la stigmatisation.
Elle constitue un véritable frein face à la volonté de préserver la santé mentale, car elle engage la culture professionnelle des pompiers.
Ces derniers, constamment animés par une volonté de bien agir (performance, engagement, service à la population, disponibilité, sacrifice de soi), redoutent que l’admission de leurs blessures mentales soit perçue comme un signe de faiblesse.
Une appréhension qui freine la reconnaissance du problème et complique sa prise en charge adéquate.
Ils redoutent parfois également le fait qu’un arrêt de travail impacte leurs revenus, alors qu’un contrat de prévoyance comme celui de la MNSPF peut leur assurer le maintien de leur salaire.
C’est pour toutes ces raisons qu’il est indispensable d’intégrer le champ de la santé mentale dans le déploiement d’actions préventives.
Un mental blessé diminue l’efficacité, alors qu’un mental soigné peut potentialiser le physique et la technique.
II – Préserver la santé mentale des pompiers : Mettre en place des stratégies de prévention et d’accompagnement
S’il existe de nombreux facteurs aggravants pour la santé mentale des pompiers, il existe également beaucoup de leviers pour la préserver, la soigner et la soulager : une culture de corps adaptée, la bienveillance entre collègues, la sensibilisation des managers, le maintien d’un lien avec la famille…
Cependant, ces améliorations nécessitent avant tout un travail conséquent de prévention et d’accompagnement.
Le suivi psychologique de la santé mentale des pompiers
Que ce soit en externe ou en interne à la caserne, il est primordial que les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) veillent à garantir l’accès à un soutien psychologique, au moins pour les primo-intervenants.
Pour cela, des dispositifs sont déjà mis en place.
Par exemple, tous les pompiers peuvent bénéficier de la présence de l’un des 373 psychologues rattachés aux SDIS.
Par ailleurs, l’AEPSP (Association Européenne de Psychologie Sapeur-Pompiers) a développé un plan de prévention primaire des risques aux attentats.
Ce dispositif a plusieurs objectifs :
- avertir des risques,
- inculquer les bons réflexes aux primo-intervenants pour se protéger,
- outiller les professionnels de santé pour détecter et prendre en charge les blessures mentales à la suite d’événements traumatisants tels que des attentats.
Le rôle des USP pour la santé mentale des pompiers
Les pompiers peuvent également compter sur les Unités de Secours Psychologique (USP), qui agissent au sein des SDIS et cumulent déjà plus de 7000 interventions.
Les USP jouent un rôle très important dans l’étape de prévention en réalisant plusieurs missions telles que :
- Former et inculquer les techniques de préservation du potentiel mental. Selon Stéphanie Tome dans une conférence donnée dans le cadre du Congrès Secours Santé 2024, informer de l’existence des USP divise par 3 le risque de conséquences psychologiques en cas de situation critique (développer un trouble de stress post-traumatique par ex), par 6 lorsque la personne a été sensibilisée aux risques psychologiques et réactions potentielles face à une situation critique, et par 13 lorsqu’elle a été formée aux premiers secours psychologiques.
- Trier et assurer les premiers secours psychologiques opérationnels (surtout pour identifier les pompiers en demande de soutien psychologique urgent afin d’éviter la blessure mentale).
- Accompagner les blessures mentales opérationnelles (soigner les séquelles).
- Favoriser l’autonomie de la gestion de l’hygiène mentale et garantir la juste indication des actions psychologiques. Les USP sont surtout là pour faire de la prévention pour donner des outils en amont, et non pas une fois que la santé mentale est vraiment mise en jeu et qu’elle demande un suivi psychologique plus appuyé.
Un outil encore en développement : la numérisation
Dans une conférence donnée dans le cadre du Congrès Secours Santé 2024, Sylvain Goujard (psychologue et directeur scientifique de l’AEPSP) expose les besoins en technologies numériques pour solutionner certaines problématiques concernant la santé mentale des pompiers.
D’après ces recherches, l’intégration des technologies numériques pourrait favoriser :
- le dépistage des blessures de stress opérationnel,
- le triage psychologique (pour hiérarchiser les urgences selon les pompiers atteints),
- l’accès aux premiers secours en santé mentale,
- la personnalisation du soutien psychologique,
- la réduction de la stigmatisation,
- (…)
Il existe ainsi plusieurs dispositifs visant à préserver la santé mentale des pompiers et à prévenir les risques. Toutefois, certains mériteraient d’être renforcés, modernisés et davantage développés pour une efficacité renforcée.
III – Les techniques et conseils concrets pour préserver la santé mentale des pompiers en situation à risques
Découvrez maintenant nos conseils pratiques pour mieux préserver la santé mentale des pompiers en situation à risques.
Libérer la parole
Pour préserver leur santé mentale, il est essentiel que les pompiers prennent conscience des risques psychologiques liés à leur métier et acceptent leur vulnérabilité face à un environnement particulièrement stressant.
La première étape consiste à briser le tabou entourant la santé mentale en encourageant la prise de parole et en normalisant le dialogue sur le sujet.
Un premier levier d’action peut être l’organisation d’échanges entre collègues, permettant à chacun de réaliser qu’il n’est pas seul à faire face à ces difficultés. En créant un espace de discussion bienveillant, les pompiers peuvent partager leurs expériences et mieux appréhender les défis psychologiques du métier.
De manière plus générale, un bon entourage joue un rôle clé dans le bien-être mental. Plus une personne est soutenue, plus elle sera encline à se confier et à trouver du réconfort.
Cela s’applique tant dans la sphère privée qu’au sein des centres de secours, où chaque pompier doit pouvoir compter sur un réseau de soutien fiable.
C’est dans cette optique que chaque brigade dispose de référents chargés de veiller au bon fonctionnement des équipes sur le terrain. Ils constituent un point de contact privilégié pour ceux qui souhaitent signaler des difficultés, exprimer leurs préoccupations ou simplement trouver une oreille attentive.
Établir un réel suivi psychologique
Pour véritablement libérer la parole et alléger la charge mentale des pompiers, il est fortement recommandé que chaque pompier soit suivi par un psychologue qui puisse anticiper et prévenir ses risques de blessure mentale.
Toutefois, un problème majeur se pose : les psychologues rattachés aux SDIS sont en nombre insuffisant pour assurer un tel accompagnement. En moyenne, un seul psychologue est disponible pour 700 sapeurs-pompiers. De plus, lorsqu’il exerce sur la base du volontariat, il ne peut généralement consacrer que 4 à 5 heures par semaine à son département.
Cette ressource est trop restreinte pour répondre aux besoins réels des pompiers. Il est donc pertinent d’envisager un accompagnement par des spécialistes extérieurs aux casernes, afin de garantir un soutien psychologique plus accessible et adapté.
Si vous êtes pompier, n’hésitez pas à prendre rendez-vous pour établir un véritable suivi psychologique, même si vous pensez que votre santé mentale n’est pas menacée. Un bilan pour établir un premier contact et instaurer les bases d’une relation de confiance facilitera votre travail par la suite en cas de besoin.
Qui plus est, vous pouvez bénéficier de nombreuses aides pour rembourser vos soins :
- Si vous souscrivez à un contrat santé à la MNSPF, vous pouvez bénéficier d’un soutien psychologique grâce à MNSPF Assistance, qui met à disposition de ses adhérents et ses ayants-droits dans le besoin des psychologues cliniciens.
- Sachez également que contrairement à ce que l’on pense, être suivi par un psychologue peut se faire sans avoir à débourser une fortune. Vous pouvez notamment accéder au dispositif Mon Soutien Psy, qui propose jusqu’à 12 séances d’accompagnement psychologique chez un psychologue partenaire. La séance coûte 50 euros. Elle est remboursée à 60 % par l’Assurance Maladie et, le cas échéant, par votre complémentaire (40 % du tarif de la séance). Mon soutien psy s’adresse à toute personne, dès 3 ans, qui se sent angoissée, déprimée ou en souffrance psychique légère à modérée. Si le psychologue estime votre état de santé nécessitant un suivi, vous pouvez ensuite bénéficier du remboursement de 11 séances de 50€ maximum par l’Assurance maladie.
- Enfin, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre mutuelle pour savoir si elle rembourse les séances de psychologue, au cas où vous auriez besoin de plus que ce que fournit l’Assurance maladie.
Apprendre des techniques de préparation mentale
Notre dernier conseil pour adopter de bons réflexes au quotidien et préserver la santé mentale des pompiers, est d’instaurer des techniques de préparation mentale, pouvant être inculquées par les USP.
Il s’agit d’un moyen concret de mettre en œuvre la prévention, selon différentes étape d’une intervention :
- Prévention primaire : vérification des EPI en amont (ce simple geste permet de se rassurer et de mentaliser le fait qu’on est protégé).
- Prévention secondaire : préparation mentale pour donner des outils de régulation d’émotions fortes en cas d’évènements critiques (et qui permet aussi de retourner plus vite à l’opérationnalité).
- Prévention tertiaire : outil pour accompagner le soin et favoriser la récupération en cas de séquelles après une intervention bouleversante.
L’une des techniques de préparation mentale les plus répandues est la technique d’optimisation du potentiel.
Cette technique, créée à l’origine dans les années 90 pour les militaires, est particulièrement pratique car elle est structurée sous forme de protocole.
Elle a surtout été élaborée pour réussir à gérer la fatigue en opérationnel et le stress en s’inspirant de techniques déjà existantes dans le civil (hypnose, PNL, etc), mais adaptées pour le terrain.
Elle s’appuie sur des stratégies qui mobilisent les ressources physiques et psycho-cognitives.
La technique d’optimisation du potentiel repose sur 4 piliers majeurs :
- la respiration contrôlée,
- la relaxation (pour ralentir le rythme cardiaque notamment),
- la représentation mentale (en se concentrant sur ses 5 sens),
- et le dialogue interne (se parler pour conscientiser ses sensations et positiver son ressenti).
L’avantage de cette technique est qu’elle peut également se décliner selon différentes situations : se dynamiser avant une opération, se réguler pendant une situation critique, récupérer après une mission…
Il est donc nécessaire de bien se connaître pour réussir au moment venu à comprendre dans quelle situation on se trouve, quel est le besoin de notre mental, et adopter la technique en conséquence.
Conclusion
En conclusion, la santé mentale des pompiers est mise à rude épreuve par des situations éprouvantes et répétées. Sans une prise en charge adaptée, ces professionnels courageux risquent de voir leur équilibre psychologique se fragiliser.
Heureusement, des solutions existent : des pratiques simples à intégrer au quotidien, des dispositifs de soutien psychologique, et une sensibilisation renforcée auprès des acteurs concernés. Agir aujourd’hui, c’est garantir leur santé et leur sérénité pour demain.
Consciente de ces enjeux, la MNSPF s’engage activement dans l’accompagnement et la protection des sapeurs-pompiers, en mettant en place des initiatives concrètes pour leur bien-être.
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